L’idée de cet article vient de m’être suggérée par un ancien camarade d’école avec ce souvenir: à Pouveux, dont le prè faisait partie des terres de notre ferme de Beauregard, le propriétaire attachait sa barque à de grosses pierres plates, proches de la cabane de pêcheur. D’après lui, ces pierres étaient utilisées, à l’origine, pour maintenir au fond de l’étang les bottes de chanvre mises à rouir pendant quelques mois.
Bien d’autres preuves attestent l’importance de cette culture jusque dans les années 1900…Un arrière-grand-père fut tisserand-chanvreur à Bardais; un oncle lointain exerçait la même profession à St Bonnet le Désert…les rivières Marmande et Sologne furent largement utilisées pour le rouissage évoqué ci-dessus…Le vieux placard de la chambre à Beauregard renfermait encore plusieurs chemises faites de cette toile plutôt « raide »; des « boussons » de filasse de chanvre traînaient encore dans le grenier, de même qu’un rouet et des quenouilles…Nous gardons précieusement un torchon et une nappe utilisés pour déposer rôtis et boudin quand grand-mère Madeleine « tuait le cochon »…et, dans les années 1930, une jeune mariée refusa tout net les gros draps de toile que lui proposait une grand-mère, s’attirant cette réplique « Dame, vous, les jeunes, vous n’avez pas la peau des fesses faite comme la nôtre! »
Rouissage, broyage, teillage, cardage, filage: de nombreux sites décrivent et illustrent avec précision ces étapes…Peut-être les « Peigneurs de chanvre » du Forez ou du Livradois venaient-ils proposer leurs services à nos paysans, contribuant, comme les « Scieurs de long » de la forêt, à la propagation des « idées nouvelles » chez les dociles habitants de ces lisières du Massif Central…
Mais le souvenir le plus précis reste celui de notre matériel à fabriquer les cordes, une sorte de rouet qui devait utiliser autrefois le chanvre produit à la ferme, remis en service avec les pelotes de ficelle de sisal employés par la moissonneuse-lieuse acquise en 1936. On faisait des câbles pour arrimer les charrettes de foin ou de paille, des guides (des rênes) pour les attelages de chevaux…on me permettait de participer à la fabrication des « cordes à veaux » destinés à les attacher près de leur mère.
A droite, une partie fixe avec quatre crochets qu’on peut solidariser à l’aide de la planche en croix percée de quatre trous; elle permet d’abord de réunir plusieurs fils qui seront tordus à part pour former un toron, ces torons seront réunis ensuite en un seul câble. A gauche, la partie mobile, avec un crochet plus gros et une manivelle qui tourne en sens inverse…ce « traîneau » suit le raccourcissement du câble dont la régularité est assurée par la pièce bizarre en forme de croix allongée qui maintient les torons séparés et qui vient peu à peu vers la partie fixe…Bien sûr, le « maître d’oeuvre » se chargeait de la tenue de ce guide et des épissures finales!
…et si ce matériel restait encore dans quelque grenier braizois?