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Histoire de la vigne à Braize

Quand j'étais enfant, il y a de cela fort longtemps, la commune de Braize ne comptait que trois ou quatre exploitations de trente hectares ou plus. Les terres étaient morcelées en de nombreuses petites locatures : quatre ou cinq vaches, quelques porcs, des légumes pour la nourriture des animaux et de leurs maîtres, et très souvent un petit carré de vigne. La locature se suffisait presque à elle-même. Ces vignes, on les trouvait au hameau de Verneuil, aux Gravières - à l'emplacement de l'actuelle usine de charbon de bois - et sur les côtes dominant l'église de Braize. Quelques privilégiés possédaient des parcelles aux terroirs plus réputés sur la commune de Coust, à Montjallon, voire même sur les côteaux de la rive droite du Cher, près de l'Elelon.

Mon grand père Etienne et son jumeau Pierre avaient hérité de trois échamiaux à Verneuil et de trois autres aux Patouillards. Un échamiau, c'est quoi d'abord  ? En ce temps là, les enfants ne posaient guère de questions. La réponse vint il y a quelques années : un échamiau c'est une double rangée de ceps, rangées séparées par une petite butte de terre. Six échamiaux ... douze rangs de vigne ... de quoi étancher la soif légendaire des jumeaux ! Les échamiaux ont disparu, victimes des remembrements.

Quels souvenirs gardons-nous de ces anciens crus ? Honnêtement, les terroirs et les cépages ne permettaient guère de miracles. Je me souviens du Gouget, du Noâ, du Terrasse, du Petit Chasselas, de l'Otello et du Teinturier qui servait accessoirement à barbouiller les joues des vendangeurs. Mais le pire était dû aux futailles, même l'authentique merrain de Tronçais se putréfie ! "J'le trouve encore meilleur que celui de l'an passé" disait notre vieux voisin dont la récolte s'imprégnait du goût de bois moisi moins de 15 jours après la vendange.

Vint alors l'épisode de la guerre 1939-1945 et des tickets de rationnement. Douze litres de vin par mois pour le travailleur ! Il fallut réagir. Chacun planta donc son vignoble, mes parents agrandirent la jardin à cet effet. Les noms des nouveaux cépages résistants aux maladies n'ont plus rien de poétique : du 5000, du 46-43; parallèlement la qualité n'y gagna guère.

Peu à peu ces vignobles disparurent, les vignerons également. Quelques "irréductibles" subsistaient encore à Braize, comme Louis, notre voisin à Baignereau, qui soignait avec amour la vieille parcelle familiale aux "Côtes". Il connaissait régulièrement les honneurs d'un article élogieux dans le journal local. "Y disent que j'aurai encore une belle vendange" répondait-il faussement modeste quand on le félicitait.

Mais le travail de la vigne ne suscite guère de vocation chez les plus jeunes générations, et les derniers vignobles ont du mal à trouver des repreneurs. Alors souhaitons à André, dernier viticulteur de la commune après avoir repris les vignes de la Côte et de Verneuil, de perpétuer le plus longtemps possible la tradition viticole à Braize.

La vigne en images

Le "Clos de la Chasserie", héritage de notre vieux cousin Joseph, objet de toutes les attentions de la famille et cause de persistantes douleurs lombaires. Sa production reste tellement anecdotique - cinquante litres quand les lunes sont favorables - que nous arrêterons là sa promotion.

La Chasserie 1954

Joseph

Jean-Jacques Martin